mardi 25 septembre 2007

Lobbying patronal : des médias corrigent les manuels de sciences économiques et sociales



Ce n’est pas la première fois (ni sans doute la dernière …) que les chefs d’entreprises interviennent publiquement pour dénoncer des programmes, des manuels et des enseignements qui ne sont pas conformes à leurs vœux. Déjà, en 2003, l’Institut de l’entreprise, une filiale du Medef, réunissait, en présence du Ministre de l’Education nationale de l’époque (Luc Ferry) une université d’automne, inscrite au plan national de formation et destinée à 200 professeurs de sciences économiques et sociales [1]. Les protestations des patrons contre ce qu’ils nomment la « politisation » (eux-mêmes étant rigoureusement « apolitiques »…) bénéficient généralement d’une couverture médiatique d’une grande complaisance. Nouvel exemple…

A lire sur le site d'ACRIMED.

Bilderberg & Co : le lobbying de l’European Round Table à Bruxelles

Agoravox, 25/09/2007

Pour rendre plus concrète l’influence de certains lobbies sur nos vies quotidiennes et notre avenir, il semble important d’examiner des cas concrets. Au niveau européen, la Commission européenne a l’initiative des lois, c’est donc auprès d’elle que la plupart actions de lobbying sont menées, sans que cela ne choque personne, bien au contraire. L’ERT est donc l’un de ces groupes de pression, encore que le terme «pression» semble inapproprié tant les liens avec la Commission sont étroits. Mais la construction européenne elle-même a été influencée par ce groupe de lobbies, dans un sens uniquement libéral, et ce, malgré les résultats économiques peu concluants de ces politiques.


L’éducation vue par l’ERT et consorts

Qui a cru que l’éducation était le problème des États, des enseignants et spécialistes de l’éducation ? Désormais ce sont les lobbies et les concentrations de lobbies telles que l’OCDE ou la Commission européenne qui s’en chargent, mais pas pour garantir un enseignement digne de ce nom et donner une culture aux élèves, non, juste pour répondre aux « besoins » des entreprises. Et comme par hasard, le principal protagoniste de cette « modernisation de l’enseignement » est un des lobbies les plus liés au Bilderberg, c’est-à-dire l’European Round Table (ERT)[1].

Tout commence en 1989[2], quand l’ERT rédige un rapport intitulé « Éducation et compétence en Europe »[3], expliquant que « L’éducation et la formation sont considérés comme des investissements stratégiques vitaux pour la réussite future de l’entreprise ». Voilà une affirmation qui oriente dans une nouvelle direction le débat sur l’enseignement. L’objectif, donc, est l’avenir des entreprises. Plus loin dans le rapport, on déplore le fait que celles-ci n’ont pas assez d’influence sur les programmes et que les enseignants n’ont qu’une « compréhension insuffisante de l’environnement économique, des affaires et de la notion de profit ». Ce sont donc ces mêmes entreprises qui sont le plus à même d’éclairer les élèves sur cette « notion de profit », et non des enseignants pourtant formés à inculquer aux élèves une vision relativement globale du monde.

Enfin, l’idée d’un enseignement à distance est préconisée, reprise l’année suivante par la Commission européenne qui juge un tel enseignement plus « rentable ». À partir de là, toujours en suivant les préconisations faites par l’ERT dans ses « rapports », on équipe les établissements en ordinateurs, pas pour les former à l’informatique en elle-même, mais pour familiariser les élèves avec l’interface informatique. Conséquence non négligeable de cette introduction à grand frais de l’informatique à l’école, les élèves seront aptes à utiliser les nouveautés électroniques et informatiques lancées sur le marché.

La même ERT revient à la charge dans un nouveau rapport en 1995, affirmant que « L’éducation doit être considérée comme un service rendu [...] au monde économique. », et que « Les gouvernements nationaux devraient envisager l’éducation comme un processus s’étendant du berceau au tombeau ». Vaste programme...

L’idée de « la formation tout au long de la vie » est immédiatement reprise par la Commissaire - socialiste - Édith Cresson en 1995[4], avec en prime une sorte de carte de compétences évaluées hors du contrôle de l’État, que chaque élève/futur salarié traînerait avec lui comme jadis le livret ouvrier. Bien évidemment, cette « formation » se fait via internet grâce à des logiciels spécialement conçus par des entreprises privées... De fait, on ne parle plus de savoirs mais de « compétences », quantifiables et immédiatement fonctionnelles quand l’élève/salarié arrive sur le marché (du travail)[5]. De même, la pédagogie est une notion à oublier, perçue comme inutile puisque le système éducatif sera uniquement destiné à effectuer un tri entre les futurs cadres, et la future main-d’œuvre.

En 1998, l’OCDE considère[6] que les enseignants ne sont pas indispensables à « la formation tout au long de la vie », des « prestataires de services éducatifs » faisant l’affaire. La même année, la Commission, dans le rapport Reiffers, considère que « le temps de l’éducation hors école est venu et que la libération du processus éducatif rendue ainsi possible aboutira à un contrôle par des offreurs d’éducation plus innovants que les structures traditionnelles ». Plus loin dans le même rapport on peut lire : « Même à l’intérieur des établissements scolaires, l’individualisation plus marquée des modes d’apprentissage - qui sont flexibles et induits par la demande - peut être considérée comme supplantant les formules trop lourdes et dominées par l’offre. Elle annonce le déclin consécutif du rôle des enseignants, dont témoigne aussi le développement de nouvelles sources d’apprentissage, notamment par le biais des TIC (Technologies de l’information et de la communication, à savoir l’informatique) et de ressources humaines autres que le corps enseignant ». Cette analyse remet en cause l’école telle qu’on l’a toujours connue, avec un instituteur ou un professeur à qui on pouvait poser des questions, et qui suivait plus ou moins le parcours des élèves. Comment étudier les langues devant un ordinateur ? Comment apprendre la réflexion philosophique avec ses subtilités, face à un écran ? Comment récupérer à temps les élèves qui décrochent ?

Ensuite, la notion de privatisation (on dit « autonomie » ou « partenariat public-privé ») s’installe avec ses corollaires : augmentation des frais de scolarité à la charge des étudiants, et retrait étatique dans la gestion du système scolaire. Tout est possible, puisque Maastricht a permis la libéralisation complète de la « prestation de services ». Mais il semble toutefois qu’avant même la signature de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS, qui prévoit la libéralisation complète des services), l’Europe - 1er exportateur de services à l’époque - ait poussé à la libéralisation de l’enseignement auprès du GATT (la première version de l’OMC), afin que ce secteur figure dans la liste des services visés par l’AGCS[7], la Commission s’engageant même à ne prendre aucune mesure qui puisse entraver l’arrivée de fournisseurs de services privés dans l’enseignement, du primaire au supérieur, tout en cherchant aussi à préserver le secteur public[8]...

Et de toute manière, la qualité de l’enseignement donné au commun des mortels importe peu, puisque les emplois qui seront crées seront en grande partie des emplois non qualifiés. Une étude prospective américaine a calculé que 60 à 65 % des futurs emplois ne nécessiteront aucune formation préalable, et sur les 30 emplois qui auront la plus grande croissance en volume d’ici à 2011, 19 ne nécessiteront aucune qualification, et 9 seulement requiéront un diplôme universitaire[9]. En France, le nombre d’emplois non qualifiés est reparti à la hausse depuis le milieu des années 90, d’où l’idée de Sarkozy de lancer l’apprentissage dès 12 ans pour ceux qui ne suivent pas bien dans le système scolaire...

En 1998, l’OMC produit elle aussi un rapport, sur la libéralisation de l’enseignement, considérant comme une « barrière (...) l’existence de monopoles gouvernementaux et d’établissements largement subventionnés par l’État ». On commence même à avoir des facs IBM- Microsoft notamment en Belgique, ou en France des diplômes appelés « licences professionnelles » hyper spécialisés et dont les programmes, l’enseignement et le financement sont en partie assurés par les entreprises. Créées par Allègre lorsqu’il était à l’Éducation nationale et mises en place en septembre 2000 via un « partenariat » avec les entreprises, elles sont plus de 1 600 à l’heure actuelle avec un taux de réussite à plus de 80 % la première année, taux incroyablement élevé pour des études qualifiées de « supérieures ». En 2004, à Lille, il y en avait déjà 80 différentes, à Créteil, Metz, Lyon une soixantaine, et 34 000 élèves suivaient ces formations en 2004- 2005... À la rentrée 2006, il y avait 1 438 formations menant à 48 licences professionnelles, voilà pour l’ « harmonisation européenne », donc, même si au niveau national point d’harmonisation. Il n’y est bien sûr pas question de culture ou même d’un enseignement économique digne de ce nom. Où est la cohérence de diplômes aussi spécialisés alors que le discours ambiant est focalisé sur la « flexibilité » ?

Il y a même en Angleterre un indice boursier de l’éducation (le « UK education and training index »), qui a augmenté de 240 % entre son lancement en 1996 et 2000, ce qui est bien supérieur aux indices évaluant les marchés traditionnels, preuve de l’importance des bénéfices potentiels dans le secteur.

En 2000, au sommet de Lisbonne[10] (qui fait de la compétitivité la priorité de l’Europe), l’objectif est clairement défini : « L’objectif central des systèmes éducatifs est d’aider l’Europe à devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive ». Cette notion de compétitivité a été si bien assimilée par certains que des PDG se retrouvent présidents d’université, à l’instar du PDG de Pétrofina, Patrick de Cornélis, membre de l’ERT et accessoirement président de la réputée université catholique de Louvain, en Belgique.

Au final, ce processus est uniquement au service des entreprises qui pourront faire du chiffre dans l’éducation et formater les futurs consommateurs. À côté de cela, les inégalités vont se creuser davantage du fait des coûts de l’enseignement. L’éducation sera chère, et inabordable dans le supérieur pour une partie de la population. Pour les autres, il restera les licences professionnelles, et des cours formatés selon l’envie des entreprises. Si en plus de cela l’État n’investit plus du tout dans le système scolaire, les plus pauvres auront le choix entre se ruiner ou faire subir un enseignement minimaliste à leurs enfants, suivi essentiellement devant un ordinateur. Pour l’université, la recherche et les investissements privés seront bien évidemment orientés vers les filières jugées « rentables » à court et moyen terme, et il y a fort à parier que les thésards en sciences sociales et humaines auront beaucoup de mal à survivre (ce qui est déjà largement le cas)...
De plus, il faut rappeler que les besoins d’une entreprise à un moment donné ne sont pas les mêmes dix ans plus tard, et les formations risquent de devenir obsolètes. C’est déjà ce qui est arrivé en France avec certains BTS, lancés et promus en grande pompe pour fournir de la main-d’œuvre à peu près qualifiée à des entreprises qui, lorsque les étudiants ont terminé leur cursus en informatique, se sont retrouvées en pleine explosion de la bulle internet, les laissant sur le carreau.

Ainsi, l’école de demain formera des consommateurs prêts à utiliser les dernières trouvailles informatiques et électroniques, de futurs salariés ultra flexibles, mais certainement pas des citoyens conscients du monde qui les entoure.


L’Europe vue par l’ERT

David Rockefeller est l’un des deux fondateurs du groupe Bilderberg, puis de la Commission Trilatérale et du Council on Foreign Relations. En 1991, devant la Commission Trilatérale, il déclare que "la souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers est préférable au principe d’autodétermination des peuples”... Sa langue aurait-elle fourché ? Que nenni, il récidive en 1999 : interviewé par Newsweek international, il dit que “Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé [lui] semble l’entité adéquate pour le faire”. [11]

Comme par hasard, on constate qu’à chaque crise, un lobbie se met en place : en 1954, après l’échec de la Communauté européenne de défense, la Bilderberg est constituée et insuffle l’idéologie libérale que l’on retrouvera trois ans plus tard dans le traité de Rome, qui n’assure qu’une Union économique et non politique. En 1973, c’est la crise économique notamment grâce à l’OPEP qui augmente de 400 % le prix du baril. Et là, on assiste à la naissance de la Trilatérale, organe réunissant toute une clique de caciques de l’économie et de la politique mondiales.

Enfin, en 1983, c’est encore une crise économique qui incite à la création de l’ERT, au moment où Reagan et Thatcher sont en train de faire appliquer leurs politiques libérales : recul du rôle de l’État, privatisation des services publics, politique d’austérité budgétaire... Le jour de la création de l’ERT, celui qui n’est encore que vice-président de la Commission européenne (mais aussi et surtout membre et futur président du Bilderberg, à partir de 1999), le vicomte belge Étienne Davignon, est présent. Puis l’Acte unique est immédiatement lancé, supprimant les barrières à la circulation des marchandises en Europe.

Cet acte est la concrétisation de la volonté du Bilderberg : en 1984 la Commission sort un texte sur la limitation des barrières commerciales, mais l’ERT le juge trop frileux. Le PDG de Philipps Wisse Dekker propose donc un calendrier afin d’abolir toutes les barrières au libre commerce qui existaient dans l’Union européenne[12], et l’ERT envoie ensuite son propre rapport ("Europe 1990 : un agenda pour l’action") aux chefs d’État et de gouvernement ainsi qu’aux fonctionnaires de la Commission. Juste après, le commissaire à l’Industrie rédige son Livre blanc, reprenant exactement les recommandations de l’ERT, qui sert de base pour l’Acte unique de 1986.[13] Jacques Delors a fait exactement la même chose en reprenant toutes les recommandations de l’ERT dans son Livre blanc sur la croissance et la compétitivité. C’est ce même Jacques Delors qui était encensé par la secrétaire adjointe de l’ERT, Caroline Walcot, évoquant l’embellie des relations entre la Commission et l’ERT sous la présidence du fameux socialiste.

Dans le but de parvenir rapidement à une Union économique et monétaire (UEM) impliquant que les États laissent la gestion de leur politique monétaire à une ou des institutions supranationales, cinq multinationales de l’ERT (Solvay, Total, Rhône Poulenc, Fiat et Philips, dont des représentants sont régulièrement conviés aux réunions du Bilderberg) créent en 1987 l’Association pour l’union monétaire européenne (AUME) - financée par la Commission- bien qu’officiellement ce soit Giscard qui en ait eu l’initiative.[14] C’est l’UEM qui a mené aux traités de Maastricht en 1992, et d’Amsterdam en 1997, au Pacte de stabilité, à la mise en place d’une Banque centrale européenne privée et indépendante des États, et enfin à l’euro[15].

L’AUME est actuellement dirigée par le vicomte Davignon (président du Bilderberg depuis 1999). Bertrand de Maigret, secrétaire général de l’AUME, a expliqué en mars 1997 à quel point les relations sont simples et cordiales entre son lobbie et la Commission : « Ils nous appellent, nous les appelons, nous les voyons, nous discutons des problèmes. Ils sont très souples. Je ne fais pas partie de ceux qui critiquent l’administration de la Commission [européenne]. Ils sont très ouverts au dialogue, au moins en ce qui concerne le monétaire. »

Il faut à ce stade préciser que le projet d’union monétaire date au moins du début des années 60, quand un dénommé Robert Marjolin intervient dans la politique européenne. Il a rejoint Jean Monnet aux États-Unis pendant la guerre, a été mis par lui à la tête de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) et a fini sa carrière aux comités d’administration de multis comme la Royal Dutch Shell (qui appartient aux prince Bernhard, fondateur du Bilderberg, et à la reine des Pays-Bas) ou la Chase Manhattan Bank (à Rockefeller, autre fondateur du Bilderberg, membre de la Trilatérale et du Council on Foreign Relations). Marjolin pond en 1962 son « Programme d’action pour le deuxième étage de la Communauté économique européenne (1962-65) », qui préconise déjà une union économique et monétaire[16].

En 1968, sort un « Mémorandum pour une action communautaire dans le domaine monétaire », prescrivant que les États ne prennent aucune mesure concernant la parité de leur monnaie sans consulter les autres, ainsi que la définition d’une « unité de compte devant être utilisée dans toutes les actions de la Communauté ayant besoin d’un dénominateur commun », c’est-à-dire une monnaie commune. Et en 1969, Raymond Barre (futur membre de la Trilatérale et ami proche de Marjolin) fait son propre mémorandum, reprenant et dépassant les préconisations de celui de 1968 : renforcement de la coordination dans les politiques économiques, surtout en ce qui concerne la production, l’emploi, les salaires et la balance des payements, obligation faite aux États de consulter préalablement les autres avant de mener des politiques économiques, progression dans la création d’une politique économique européenne.

Le projet d’UEM stagne dans les tiroirs jusqu’à l’arrivée de Jacques Delors à la présidence de la Commission en 1985. C’est lui qui avait incité Mitterrand à faire son « tournant libéral » en 1983, et à mener des politiques d’austérité budgétaire. Le Plan Delors, préparé uniquement par les banquiers de la BCE et lancé en 1989, reprend les préconisations du Programme d’action de 1962, mettant en place une Banque centrale européenne indépendante des États et un processus par étapes devant aboutir à une monnaie unique et à une « concurrence libre et non faussée », grandes revendications des milieux banquiers et industriels. En outre, ce Plan préconise la « flexibilité des salaires et la mobilité de la main-d’oeuvre », ainsi que la fin des aides de l’État à certains secteurs.

Mais revenons à l’ERT, qui se soucie ensuite, comme elle le réclame dans un rapport de 1991 sobrement intitulé « Remodeler l’Europe », de doter ladite Europe (ce « nain politique » dixit le rapport) d’une structure politique et de « principes directeurs » efficaces[17], notamment pour mener une politique étrangère tout aussi efficace, ainsi que l’union monétaire.

Et puis c’est la « compétitivité » qui passe à l’ordre du jour, concrétisée avec le sommet de Lisbonne qui l’érige en priorité pour l’Europe. Depuis, 60 % des emplois crées en Europe sont des temps partiels, les services publics sont systématiquement privatisés, la part des « coûts » salariaux est passée de 75,3 % en 1981 à 66,2 % en 2006[18], ce sont autant de rémunérations supplémentaires pour les patrons et actionnaires. Soucieux depuis longtemps de la « compétitivité », l’ERT suggère en 1993[19] à la Commission de mettre en place un « conseil de compétitivité » : en 1995 un « groupe consultatif de compétitivité » est crée, avec 4 membres de l’ERT sur un total de 13 personnes[20]. Dans ce rapport de 1993, l’ERT préconise la libéralisation des télécommunications, des transports et de l’énergie, et une « harmonisation » des régimes fiscaux des pays européens.

Ceci n’est qu’un bref résumé de l’influence de l’ERT sur la construction européenne, qui comporte de nombreuses ellipses. Mais différentes études menées par des universités encore indépendantes ou par des groupes de recherche sur le lobbying ont mis à jour ces connivences, ainsi que les processus d’influence sur les institutions. Effectivement, le lobbying consiste à influencer notamment les pouvoirs publics, et l’on pourrait discuter de la légitimité de telles actions pendant longtemps. Cependant, il apparaît que les représentants des populations se bornent à recopier les préconisations de ces lobbies, qui eux ne sont pas là pour représenter l’intérêt général mais celui des entreprises pour lesquelles ils travaillent. Il y a donc un problème de démocratie évident dans le processus de décision, puisque les citoyens ne sont pas informés de ces tractations.


Autres cas de lobbying

Prenons rapidement l’exemple des retraites : en 2002, pendant la campagne électorale, Chirac évoquait leur financement par des fonds de pension, mais heureusement pour nous il y a eu le scandale Enron (et Worldcom dans la foulée) entre-temps. Les comptes trafiqués de l’entreprise ont été mis à jour, l’action a chuté, et les fonds de pension d’Enron ont tout perdu... Mais cette superbe idée n’est pas venue toute seule dans le chef du grand corrézien. Trois ans plus tôt, l’UNICE a soufflé l’idée de promouvoir des « régimes de retraite complémentaires financés par des fonds privés » à la Commission[21], qui a immédiatement sorti des rapports allant dans ce sens et mis sur place des groupes de travail et autres comités pour se pencher sur la question. De plus, de nombreux lobbies tels que l’Association européenne des régimes de retraite complémentaires (EFRP) qui représente les fonds de pension privés, la Fédération européenne des fonds et sociétés d’investissement (FEFSI), le Comité européen des assurances (CEA), etc., se sont installés à Bruxelles pour défendre l’option des fonds de pension[22], mais aussi les assurances privées en matière de santé. Ceux-ci ont su trouver une oreille attentive du côté des commissaires, notamment Fritz Bolkestein commissaire attaché au Marché intérieur et aux services, et accessoirement président de l’Internationale libérale de 1996 à 1999.

L’ERT, de son côté, n’a pas chômé non plus. Avant le sommet de Lisbonne en mars 2000, elle sort le rapport alarmiste « European Pensions, an appeal for reform », considérant le financement public des retraites comme un frein à la sacro-sainte compétitivité, qui justement était l’axe principal des discussions de Lisbonne. Il préconise aussi d’augmenter l’âge de la retraite, et de pousser les gens à économiser durant leurs années de travail pour se faire un bas de laine... Ce rapport, comme d’habitude, a été très bien reçu par la Commission, dont Romano Prodi (invité plus tard par le Bilderberg) était alors le président. En octobre 2000, la directive « fonds de pension » sort des tiroirs, validée un an plus tard par le Parlement, encore grâce à un intense lobbying, mais cette fois à Strasbourg.

Mais la directive n’allait pas assez loin, donc l’ERT s’est remis à faire des rapports toujours très objectifs, cette fois avec la très libérale Fondation De Benedetti, pour expliquer à la Commission qu’un financement public des retraites n’est pas viable. Ces rapports sont largement repris dans les grands médias libéraux (les mêmes qui viennent régulièrement aux réunions du Bilderberg, c’est-à-dire le Financial Times, l’Economist, Les Echos, etc.) histoire de faire ce que désormais on appelle de la « pédagogie » auprès des citoyens, au moins une partie d’entre eux...

Autre exemple : la fameuse directive REACH (Registration, Evaluation and Autorisation of Chemicals) lancée en 1999, qui avait bien une raison d’être puisque la quasi-totalité des 30 000 substances chimiques entrant en Europe n’étaient pas testées, y compris certains produits dangereux voire cancérigènes, allergènes et autres. REACH, à l’origine, était censée obliger les industriels à prouver l’innocuité desdits produits. Mais heureusement, le CEFIC (Conseil européen de l’industrie chimique), le plus gros lobbie présent à Bruxelles avec 140 salariés, la VCI (l’industrie allemande), BASF, et l’UNICE veillaient au grain. Ces lobbies ont investi des millions d’euros pour retarder le processus de validation du texte et le vider de sa substance, publiant des rapports expliquant que si le texte initial passait il y aurait des conséquences terribles pour l’emploi et la compétitivité du secteur, et proposant nombre d’amendements aux différentes versions du texte. Le commissaire à l’Industrie en 2005, Gunter Verheugen a évoqué en ces termes les résultats de ces « rapports » : « les chiffres avancés par l’industrie étaient, pour le moins, un peu exagérés »[23].

En 2003, l’Union des industries chimiques françaises publie un « rapport » expliquant que si REACH passait, le PIB français chuterait d’1,6 % en dix ans. Ce rapport a été ensuite dénoncé par des économistes indépendants [24]... La même année, une version ultra light de la directive est présentée par la Commission, puisque à peine 10 % des produits seraient soumis à des tests. De plus, l’autorité qui devait vérifier l’exactitude des tests devait être mise en place par l’Europe elle-même, avec un budget forcément limité, étant donc condamnée à une inefficacité certaine. Mais une fois arrivé au Parlement en 2005, le texte avait encore été allégé [25]. Finalement adopté en décembre 2006, REACH permet de continuer l’importation de produits à la toxicité avérée et pour lesquels on a pourtant des alternatives, et les fournisseurs de produits toxiques dont moins de 10 tonnes (ce qui est le cas pour la plupart des substances les plus toxiques) sont importées chaque année n’auront pas à avertir des risques sanitaires.

On pourrait évoquer de nombreux cas dans lesquels le lobbying des multinationales et autres groupes de pression a été à l’encontre de l’intérêt général. L’introduction des OGM, le développement du réseau routier, le traité européen, l’Accord multilatéral sur l’investissement, la réforme de la propriété intellectuelle entre autres mériteraient d’être développés.

Si l’on observe le processus depuis le début de la construction européenne (et encore il faudrait remonter au moins aux années 30 pour bien comprendre les choses), on s’aperçoit qu’il y a toujours eu des influences que l’on pourrait qualifier d’illégitimes sur les instances décisionnelles européennes, et avant cela sur les hommes à l’origine de cette « Europe » qu’on nous vend si bien depuis soixante ans. Les Etats remettent toujours plus de leur souveraineté à cette Europe, éloignant davantage les décisions des citoyens qui perdent presque tout contrôle sur son orientation. Dès lors, il est relativement inquiétant de voir l’influence de groupes de pression représentant des intérêts privés et purement économiques sur les élus et autres fonctionnaires européens qui prennent des décisions ayant un impact direct sur nos vies. On peut donc parler de « déficit démocratique » en ce qui concerne l’Europe, parce que cette domination de la technocratie empêche les citoyens de prendre une part active dans le processus de construction européenne.



[1] L’ERT représente 47 des plus importantes multinationales européennes. A sa création en 1983 par les PDG de Fiat, Volvo et Philips il n’y avait que 17 entreprises représentées. Une partie des membres de l’ERT est membre ou a été invitée par le Bilderberg, un lobbie chapeautant notamment la Trilatérale, qui a été fondée par deux de ses membres. Dans le sillage du Bilderberg, appliquant la même doctrine, on retrouve aussi le Council on Foreign Relations, qui travaille auprès du gouvernement américain, toujours avec la même orientation qui est d’établir un libéralisme sans entraves sur la planète, et de créer des institutions supranationales dans les domaines politique, économique et militaire.

[2] Cf. Gérard de Selys, « L’école, grand marché du XXIe siècle » in Le Monde Diplomatique, juin 1998.

[3] ERT, Education et compétence en Europe, Bruxelles, 1989, p. 27.

[4] Enseigner et apprendre ; vers la société cognitive. Livre blanc sur l’Education et la formation, Commission des Communautés européennes, Bruxelles, 29 novembre 95.

[5] Ce qu’a clairement dit Edith Cresson alors Commissaire européenne, citée par Benrard Berthelot de l’association Reconstruire l’école dans l’article « A propos de l’émission ‘Le cartable de Big Brother’ » : « Nous travaillons avec 40 branches professionnelles européennes : elles ont des besoins communs et nous essayons de les aider à mettre en place des systèmes d’accréditation des compétences communes [...]. Le test d’accréditation permettra de juger le candidat à un emploi, non sur les connaissances générales jugées par un diplôme, mais sur les compétences très pointues recherchées par les entreprises ».

[6] OCDE, 1998 « Analyse des politiques d’éducation ».

[7] Finalement l’AGCS prévoit la libéralisation de tous les services « à l’exception de ceux fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ».

[8] Cf. J. E. Charlier, S Croché « Le processus de Bologne, ses acteurs et leurs complices » in Education et société, décembre 2003.

[9] Cf. L’Ecole démocratique, n° 11, juillet- septembre 2002.

[11] Cité par Raoul Marc Jennar in "Le gouvernement des lobbies : la gouvernance contre la démocratie", ed. Balanya, 2003.

[12] Cf. Ann Doherty, Denis Horman, « Les transnationales et leurs groupes de lobbying », GRESEA, Bruxelles, octobre 1999.

[13] « Europe Inc. Liaisons dangereuses entre institutions et milieux d’affaires européens » par l’Observatoire de l’Europe industrielle (préface de Susan George), Agone éditeur, Marseille, 2000.

[14] idem.

[15] cf. Christine Bierre, « L’union économique et monétaire européenne ces Français qui ont ouvert l’Europe aux financiers anglo-américains » in Nouvelles Solidarités, octobre 2005.

[16] cf. Christine Bierre, déjà citée.

[17] ERT, Remodeler l’Europe, Bruxelles, septembre 1991, p. 58.

[18] European Commission, Economie européenne. Annexe statistique, Automne 2006. Statistiques économiques européennes.

[19] ERT, Vaincre la crise, 1993.

[20] cf. Jean marie Pernot, « Patrons et patronat, dimensions européennes », in. Chronique internationale de l’IRES, n° 72, septembre 2001.

[21] cf. Antoine Math, « Défense des intérêts patronaux au niveau européen : le cas des retraites » in Chroniques Internationales de l’IRES, n° 72, septembre 2001.

[22] idem.

[23] cf. Marc Contiero, Greenpeace « Lobby toxique. Ou comment l’industrie chimique essaie de tuer REACH », mai 2006.

[24] cf. Marc Contiero, déjà cité.

[25] cf. Corporate Europe Observatory, « Le quartier européen de Bruxelles », guide lobbyplanet, octobre 2006.

vendredi 21 septembre 2007

Des parlementaires veulent davantage réglementer le lobbying

21/09/2007 - 16h37

PARIS (Reuters) - Avec la Coupe du monde de rugby, des parlementaires français sont l'objet de multiples attentions et sollicitations qui, aux yeux de certains d'entre eux, rendent indispensable une réglementation sur le lobbying.

Invitations en loges privées, champagne, petits fours, cadeaux d'entreprises : autant de tentations auxquelles les élus de la Nation et leurs collaborateurs doivent faire face.

"J'ai bien reçu un carton d'invitation pour l'un des matches", dit Jean-Patrick Gille, député PS d'Indre-et-Loire.

"Mais je prends cela avec la plus grande prudence", ajoute-t-il en précisant qu'il a décliné l'invitation.

Ces pratiques sont dénoncées par Anticor, une association de lutte contre la corruption et pour la moralisation de la vie publique et politique, qui parle d'un "phénomène récurrent".

"Il y a peu, Virgin est venu faire une démonstration sur le téléchargement pratiquement au pied de l'hémicycle. D'autres grands groupes industriels proposent aux attachés parlementaires des contrats rémunérés pour la rédaction de rapports", affirme Séverine Tessier, présidente d'Anticor.

"Nous accueillons avec satisfaction l'arrivée sur la place publique des questions relatives à ces pratiques déviantes", ajoute-t-elle.

Deux députés UMP, Patrick Beaudoin et Arlette Grosskost, ont déposé en octobre 2006 une proposition de loi visant "à modifier le règlement de l'Assemblée nationale pour établir des règles de transparence concernant les groupes d'intérêts".

En février 2007, ces deux députés ont demandé la création d'un groupe de travail, avant d'écrire en juillet dernier sur ce sujet à Bernard Accoyer, le nouveau président de l'Assemblée.

En janvier 2007, celui qui était alors chef du groupe UMP s'était dit "frappé par le jeu des lobbies et des groupes de pression, qu'ils soient communautaires, corporatistes ou catégoriels" et avait plaidé pour des règles "de transparence et d'éthique".

"La communication de tout groupe d'intérêt est nécessaire afin que les députés comprennent ce qui se passe", estime Patrick Beaudoin, député du Val-de-Marne.

"La confrontation de ces intérêts particuliers peut être bénéfique pour comprendre ce qui est bon pour la collectivité".

CHARTE DÉONTOLOGIQUE

"Il faut d'abord s'entendre sur la définition du lobbying", fait remarquer Séverine Tessier. "Aujourd'hui, en France, on assiste clairement à l'influence croissante d'intérêts économiques au détriment du bien public. Anticor milite pour une position laïque, respectueuse de l'intérêt général", dit-elle.

Les deux députés de la majorité proposent la mise en place d'une charte déontologique que devront signer toutes les personnes accréditées pour l'accès aux couloirs de l'Assemblée.

"J'ai envie que ces professionnels travaillent dans la plus parfaite transparence", poursuit Patrick Beaudoin. "Que nous puissions avancer avec trois règles à l'esprit : transparence, pluralisme et éthique".

Le député du Val-de-Marne et sa collègue du Haut-Rhin proposent la nomination d'un haut-commissaire chargé d'animer un organe d'autorégulation, comme cela existe au Canada.

"Il ne faut pas diaboliser le lobbying", dit Patrick Beaudoin. "La communauté arménienne ou les anciens combattants sont une forme de groupes de pression bénéfiques pour le débat public".

À Anticor, où l'on qualifie ces mobilisations associatives de "militantisme", on considère que les moyens de contourner l'intervention directe des groupes de pression existent déjà.

"Si les députés ont besoin de précisions ou d'éclaircissements sur un dossier, ils peuvent auditionner les acteurs de leur choix", souligne Séverine Tessier. "Il s'agit d'un moyen éthique et déontologique acceptable".

Au-delà du seul Palais-Bourbon, Anticor lancera à l'automne une série de rencontres sur la déontologie des professions "exposées" à l'influence des groupes de pression, tels les journalistes, les dirigeants politiques exerçant plusieurs mandats ou les professionnels de santé.

"Nous allons tenter d'élaborer une position commune", précise Séverine Tessier. "Aujourd'hui, le lobbying incarne la loi du plus fort, donc du plus fortuné".

jeudi 20 septembre 2007

Un livre salutaire

PAR Denis Sieffert
jeudi 20 septembre 2007

Dans un essai à paraître fin septembre, deux universitaires américains posent sans détours le problème de l’influence du lobby pro-israélien sur la politique de leur pays.

Le 27 septembre, les éditions La Découverte publient un livre qui avait déjà une longue et tumultueuse histoire avant même ­ ce qui est un comble ­ d’avoir été écrit. Il s’agit de la traduction française d’un essai dont la version originale n’a été publiée que voici quelques semaines aux États-Unis. Ses auteurs sont deux universitaires de renom, John J. Mearsheimer, de l’université de Chicago, et Stephen M. (...)
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Un groupe de pression devenu surpuissant

Les auteurs retracent l’histoire du lobby pro-israélien, en définissent les contours, analysent son mode opératoire, et mettent en évidence sa redoutable efficacité. Le tout dans un ouvrage argumenté. Extrait.

En 1981, le chercheur en sciences politiques Robert H. Trice disait du lobby pro-israélien qu’il était « constitué d’au moins soixante-quinze organisations distinctes ­ juives pour la plupart ­ qui soutiennent activement la majeure partie des actions et des prises de position du gouvernement israélien » [2]. Les activités de ces groupes et de ces individus vont au-delà du simple vote pour des candidats (...)
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Un lobby français?


Il n’y a pas en France de groupes de pression organisés sur le modèle américain. Mais des réseaux d’influence qui disposent d’importants relais médiatiques.

Existe-t-il en France comme aux États-Unis un lobby pro-israélien ? L’existence de lobbies, officiels et organisés, n’est guère conforme à la tradition politique française. La République n’aime pas les «corps intermédiaires», les représentations d’intérêts particuliers faisant, selon cette philosophie, obstacle à la relation exclusive que l’État prétend entretenir avec le citoyen. Cela explique la (...)
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Présentation du livre sur le site de La Découverte.

dimanche 16 septembre 2007

Députés tous frais payés au Mondial de rugby

Alors que l'Assemblée s'apprête à légiférer sur le lobbying, de nombreux élus sont invités dans les loges VIP.


Le rugby est à la mode en ce mois de septembre. Et les députés français nombreux à se presser dans les loges VIP des stades de la Coupe du monde. A Paris comme en province, à l'invitation des plus grandes entreprises: France Télécom, La Poste, TF1... Tous les groupes français s'offrent ainsi d'efficaces opérations de relations publiques. Et ce alors que l'Assemblée s'apprête justement à tenir un débat sur le sujet.

Chaque grande compétition sportive est désormais l'occasion de "resserrer les liens", "d'échanger des informations" ou de "mieux se connaître". Signe des temps: les députés que nous avons interrogés l'avouent facilement: oui, on les invite. Souvent. Un petit cocktail organisé par Visa Europe (les cartes bancaires, ndlr) "en présence de Philippe Sella, ancien capitaine du XV de France" si vous êtes une députée communiste inconnue. Plus si vous êtes un ancien et ministre populaire.

"C'est vrai, on m'a proposé des places, reconnaît Jean Glavany, ancien ministre de l'Agriculture, mais moi, je refuse tout. TF1 m'a proposé des places, France Télécom et d'autres, je ne sais plus."

Inconditionnel du ballon oval, le député socialiste des Hautes-Pyrénées s'est acheté il y a un an un "pack équipe de France" avec des amis supporters.

"Les gens attendent quelque chose de vous"

Qu'ils siègent au Palais Bourbon ou à Strasbourg, les députés sont énormément sollicités. La plupart acceptent sans barguigner ces propositions, qu'ils siègent à droite ou à gauche de l'hémicycle. Avec le raisonnement suivant:

"Je n'ai pas le temps d'y aller, mais si je pouvais, j'aurais accepté, explique Benoît Hamon, député socialiste invité par TF1 pour aller voir le "petit" match Tonga/Etats-Unis. Et je l'aurais déclaré comme avantage en nature, ainsi que le règlement du Parlement européen nous y oblige. Après, il ne faut pas mélanger les genres. En faisant cela, les gens attendent quelque chose de vous, mais vous n'êtes pas obligés de jouer le jeu. Personne n'est dupe. Le problème ce n'est pas d'être invité, c'est de savoir si cela va changer votre comportement politique."

Patrick Beaudouin, député UMP du Val-de-Marne et auteur d'une proposition visant à "établir des règles de transparence concernant les groupes d'intérêt" ne condamne pas non plus ce genre de pratiques:



Même raisonnement chez le député UMP du Vaucluse Thierry Mariani qui, lui, s'est vu proposer une place pour le match Nouvelle-Zélande/Italie à Marseille: "Les loges dans les stades, c'est un moyen comme un autre de faire du lobbying. C'est un moyen d'échanger des choses, c'est pas 10 millions d'euros dans une valise!" D'après les tarifs officiels du stade de France, c'est en fait de 100 000 euros par an pour la loge de dix places à 213 000 euros pour celle de 28 places. Pour juste seize manifestations. Faites le calcul!

Ca fait un cadeau de 625 euros. Avec hôtesses, boissons, maître d'hôtel et petit cadeau souvenir compris. Et il y a 168 loges VIP à Saint-Denis... D'ailleurs, pour le match d'ouverture France-Argentine, l'International Rugby Board et la Fédération Française de Rugby ont invité l'ensemble des participants à la Coupe du monde des parlementaires qui a précédé le Mondial. Soit une centaine de personnes, aux premiers rangs bien sûr.

"En 1998, j'ai assisté à la finale de la Coupe du monde de football grâce à Ricard"

Une invitation à un match de rugby permettait-elle de mieux comprendre les difficultés économiques d'un secteur clef de votre circonscription? Peut-on, après pareil spectacle, refuser un service à des hôtes tellement prévenants? Sera-t-on aussi combatif face à des actions concertées d'influence lors d'un débat à l'Assemblée? "Il y a aussi les invitations dans les musées par exemple, continue Thierry Mariani, les entreprises font des RP avec ça. En 1998, j'ai assisté à la finale de la Coupe du monde de football grâce à Ricard. Je n'ai pas honte." Quelle est la limite acceptable dans les cadeaux? "La limite, c'est à chacun de la trouver. Arrêtons d'être hypocrite ou alors interdisons les loges dans les stades."

Créer un simple registre d'inscription

Depuis la sortie du livre de nos confrères Hélène Constanty et Vincent Nouzille, "Députés sous influences, le vrai pouvoir des lobbies à l'Assemblée nationale" (Fayard) en octobre 2006, les lobbyistes du Palais Bourbon sont soumis à une intense pression. Prenant conscience du vide réglementaire qui entoure le travail des "vendeurs d'influence", les députés ont lancé plusieurs initiatives.

La première tentative de légiférer, soutenue par deux députés UMP, Arlette Grosskost et Patrick Beaudouin, sombre dans l'oubli, étouffée par un calendrier surchargé. Peu ambitieuse, elle prévoyait juste de créer un registre d'inscription pour les lobbyistes ayant un accès permanent à l'Assemblée nationale. Rien sur les cadeaux, les colloques ou les voyages tout frais payés pour "bien cerner une problématique".
En guise de contrôle, les deux députés prônent la transparence. En clair, il s'agirait de déclarer les cadeaux acceptés par les députés, sur une liste accessible au public. Les explications de Patrick Beaudouin:



Tout cela sera débattu dans les prochains mois. Aux propositions des deux députés UMP s'ajoute aujourd'hui le "livre bleu du lobbying" de Jean-Paul Charié. "Organisons et développons le lobbying", attaque d'emblée le député UMP du Loiret, dans une conception très anglo-saxonne et libérale de la vie publique. En une quarantaine de pages, l'élu, par ailleurs "Directeur multimédia de société de presse" comme le précise sa fiche de l'Assemblée, dévoile un argumentaire qui ferait rosir le premier lobbyiste de Bruxelles. Et de conclure que, finalement, "il n’est pas utile de passer par une loi pour réglementer le lobbying".

A gauche, aucune proposition de loi n'a pour l'instant vu le jour.

SOURCE: Rue89.com, 16 septembre 2007.

lundi 2 juillet 2007

Des députés veulent encadrer le lobbying

Deux élus UMP ont proposé la création d'un groupe d'études pour rendre plus transparentes les pratiques des groupes de pression sans les supprimer.
Par Laure EQUY
Libération - lundi 2 juillet 2007
En finir avec le copinage entre élus et lobbyistes dans les coulisses du Palais-Bourbon. Arlette Grosskost et Patrick Beaudoin, députés (UMP) respectivement du Haut-Rhin et du Val-de-Marne, ont demandé jeudi au président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, de constituer un groupe d'études chargé de plancher sur l'encadrement du lobbying. Objectif : déposer d'ici à début 2008 une proposition de résolution modifiant le règlement de l'Assemblée. Le tandem avait déjà soumis en octobre 2006 une proposition de texte pour établir des règles de transparence sur ces pratiques et former un groupe de travail baptisé «Lobbying et démocratie».
Voyage. «Nous ne condamnons pas tout en bloc, précise Patrick Beaudoin. Nous sommes même favorables à l'expression du lobbying, comme source d'information, à condition qu'il soit transparent.» Car les méthodes employées par les entreprises, syndicats et ONG pour draguer le parlementaire sont multiples, du simple mail au véritable numéro de charme avec déjeuner ou voyage tous frais payés. La réglementation étant extrêmement floue, des groupes d'intérêt franchissent la ligne jaune. A l'instar des amendements clés en main, rédigés par leurs représentants, et les allées et venues de ceux-ci dans les couloirs de l'Assemblée avec des badges de collaborateurs de députés. Selon un questionnaire réalisé par Grosskost et Beaudoin auprès de 85 parlementaires et publié début juin, 72 % ont fait l'objet de démarches «fréquentes ou constantes», entre autres sous la forme d'invitations (77 %) et de propositions de loi ou d'amendement (81 %).
Outre un code de conduite pour les lobbyistes, le tandem suggère de contrôler leur accès à l'Assemblée par un badge nominatif, leur inscription sur un registre consultable sur Internet et la publication des argumentaires qu'ils fournissent. «Il faut que l'on sache clairement qui fait quoi», souligne Patrick Beaudoin. Autre piste : assurer le pluralisme des groupes d'intérêt en donnant à tous «la possibilité de se faire entendre sans [...] accorder de passe-droits».
Jean-Paul Charié, qui doit publier en octobre un «livre bleu du lobbying», se dit aussi favorable à un contrôle des pratiques pour, estime-t-il, «les développer au lieu de les suspecter». Le député (UMP) du Loiret va plus loin : «Les élus ne connaissent pas tout et doivent se renseigner auprès de la société civile. Prendre des avis ne veut pas dire se laisser influencer.» Il souhaite la mise à disposition d'une salle du Palais-Bourbon réservée aux lobbys concernés par les projets de texte en cours.
Charte éthique. Une initiative à laquelle s'oppose Séverine Tessier, assistante parlementaire du député (PS) de la Nièvre Christian Paul et présidente d'Anticor, une association de lutte contre la corruption : «Sous couvert de transparence, ces propositions visent à institutionnaliser le lobbying. Il faut établir une frontière entre public et privé et limiter l'accès des lobbyistes aux seules auditions» prévues dans le cadre de la procédure législative. Anticor devrait rédiger une charte éthique pour les élus (obligation de refuser les cadeaux, de déclarer toute tentative de pression, etc.). «Ce n'est pas tant aux lobbyistes d'adopter des règles de conduite, juge Séverine Tessier , qu'aux élus de résister.» A condition qu'ils le veuillent.

SOURCE: Libération, 2 juillet 2007.

vendredi 23 mars 2007

European connection

Dans les coulisses de l'Europe (3/4)

RÉCIT SABINE VERHEST

La Libre Belgique - Mis en ligne le 23/03/2007

A Bruxelles, tout est affaire de contacts et de réseaux. Ils sont des milliers à travailler au service d'une industrie, d'un pays ou d'une cause, pour influencer la politique européenne. Voyage en lobbycratie.

LLB

Il a la poigne ferme et le sourire d'un bon-papa. Frank Schwalba-Hoth est connu comme le loup blanc dans les couloirs du Parlement européen qu'il sillonne depuis 23 ans. Conseiller et organisateur, entremetteur et dépanneur, il est tout à la fois.

Un jour, il gère de bout en bout la visite à Bruxelles du Libanais Saad Hariri, comme "une pièce de théâtre classique avec plusieurs actes". Le lendemain, il rameute le banc et l'arrière-banc pour amener du monde au vernissage d'une exposition de peinture en mal d'invités : "un grand événement peut échouer sur une chose bête", l'oubli des cartons d'invitation par exemple. Un jour, il vole au secours de deux commissaires européens désignés, coincés à l'entrée du Parlement par les gardes, alors que les attendaient impatiemment les eurodéputés chargés de les auditionner. Le lendemain, il fleurit de roses les entrées des bâtiments, il montre la vue sur Bruxelles à une ministre allemande rencontrée dans l'ascenseur ou sillonne les travées de l'antre parlementaire à la tête d'une classe d'enfants en excursion.

Ex-militaire devenu pacifiste, il aide des ambassadeurs - ceux d'Arménie et du Rwanda par exemple - à nager à Bruxelles "comme des poissons dans l'eau", à identifier une cinquantaine de personnes-clefs pour faire avancer leur cause. Ancien eurodéputé vert allemand, il conseille des parlementaires, comme la Française Marie Anne Isler Béguin, leur suggère "d'abandonner 1.314 priorités pour se concentrer sur 2 ou 3". "Quand tu es élu, tu crois être une star, un soleil. Mais, après la législature, tu n'auras peut-être été qu'une météorite, une poussière spatiale. Tu dois développer une expertise réelle pour être incontournable, et laisser une empreinte" comme Altiero Spinelli a laissé son nom à l'un des bâtiments du Parlement.

Ancien lobbyiste de Greenpeace, il aide des groupes de pression, tel le Kashmir Centre, dont aucun usager de métro bruxellois n'ignore l'existence des affiches, et dont aucun eurodéputé de la commission des Affaires étrangères n'échappe aux informations pressantes.

S'il devait qualifier son métier, Frank Schwalba-Hoth opterait - après réflexion - pour "stratège politique". De la poche de son veston, en cachemire bien sûr, il sort un paquet de feuilles imprimées : son agenda, 70 pages avec les coordonnées des "1 000 femmes et 1 000 hommes les plus importants de Bruxelles". "Je vis avec cette liste, tout mon bureau est dans ma poche." L'homme n'a rien besoin de plus, ou si peu. Ses gris-gris mongol et saharien, qu'il cache sous sa chemise. Son sésame d'ex-eurodéputé, qui lui ouvre toutes les portes. Mais pas de télévision, ni de voiture ou de ce téléphone portable, "mythe de la disponibilité". Son truc à lui, c'est le contact direct. Les ghettos, il déteste. Socialiser - séduire donc -, il adore. "Un rayon de soleil, je ne l'absorbe pas, j'essaie de le refléter sur mon interlocuteur. J'ai eu cette sensation d'être important dans ma vie. Je n'en ai plus besoin", explique celui qui avait aspergé de son sang le chef du Ve corps d'armée américaine à Wiesbaden pour manifester contre les euromissiles. "Je suis archi-heureux d'être un miroir !"

Il faut le voir, les antennes sorties et les yeux aux aguets, assis sur les hauts tabourets d'un bar du Parlement, stratégiquement placé dans un hall ouvert à tous vents et tous passages. Il faut l'observer siroter un jus d'orange frais et discuter, tout en scrutant les allées et venues, saluant de la tête "l'ami du dalaï-lama" (le parlementaire Thomas Mann), bondissant de son siège pour serrer la main de l'eurodéputé tout bronzé Johan Van Hecke, "grand expert de l'Afrique centrale", souriant à "une jeune Egyptienne qui cherche un emploi" ou - "donne-moi ta carte de visite !" - nous présentant un expert de l'environnement.

Tous les mois, cet homme de réseau par excellence propose à 30 femmes "charmantes, innovatrices, intéressantes" de partager un dîner avec 30 hommes tout aussi "charmants, innovateurs, intéressants" aux "Ailes des Anges", restaurant vietnamien du quartier européen. On y croise une actrice de théâtre du Cap-Vert comme un vice-nonce apostolique, des invités qui arrivent "fermés comme des huîtres" en se demandant - diable - ce qu'ils font là. Mais, au fil de la soirée, "j'essaie que les coquilles s'ouvrent". "Je suis triste de voir des gens avec des idées et des projets merveilleux, qui restent dans leur monde parce qu'ils sont séparés par la langue, la culture ou l'âge." Son but, c'est "de faire des connexions". "C'est comme au billard. Je travaille pour des buts concrets, mais souvent par la bande."

La richesse, c'est l'information

Frank Schwalba-Hoth l'a bien compris, dans ce grand jeu européen, où se tissent les réseaux et se nouent les contacts, vous existez si vous savez et si vous connaissez. "L'information est une richesse ici."

"Nous avons grand intérêt à savoir ce qu'il se passe pour nous", confirme Sigrid de Vries, en charge de la communication à l'Association des constructeurs européens d'automobiles, très active lorsque la Commission a entrepris d'imposer des limites d'émissions de CO2 aux voitures. Mais "une grande partie de notre travail de lobbying consiste à donner de l'information", histoire de sensibiliser les décideurs.

Tous les lobbies le savent, il faut attaquer dans toutes les institutions et à tous les niveaux, du fonctionnaire au commissaire, du conseiller au Premier ministre, de l'assistant à l'eurodéputé.

“C’est parfois infernal”, témoigne un fonctionnaire européen. “Quand on élabore une politique, ils viennent dire qu’on menace l’emploi, ou qu’ils ont de meilleures propositions pour l’Europe et le consommateur, mais quand on croise l’information, on voit bien qu’ils ne servent que leurs intérêts.”

L’adoption de la législation sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques (Reach), à l’automne dernier, a ainsi été précédée d’une incroyable campagne de lobbying de l’industrie chimique européenne, soutenue par les multinationales américaines comme DuPont et Dow Chemicals. “Trop d’entreprises, en particulier dans les groupes du lobby allemand, semblent croire qu’à mentir, autant le faire démesurément : les coûts de Reach ont été largement exagérés du début à la fin”, s’est énervé l’eurodéputé libéral britannique Chris Davies le 15 novembre 2005.

“L’homme ou la femme de...”

Réputé plus ouvert que la Commission, à tout le moins pour les associations écologistes, le Parlement européen est particulièrement visé par les lobbies, surtout dans les secteurs comme l’industrie, l’environnement, le transport, où il détient le pouvoir de légiférer au même titre que les Etats membres. “Les enjeux sont capitaux et nous sommes hyperapprochés”, explique l’eurodéputée Frédérique Ries, peu après avoir reçu les représentants de Proximus et Mobistar, inquiets des velléités européennes de baisser les prix du roaming. “Je ne vis pas cela comme quelque chose de péjoratif, parce que cela me permet d’entendre les meilleurs experts sur un sujet”, ajoute la libérale belge. “On peut lire 1.000 fois les choses, cela reste très différent d’entendre directement le témoignage d’un ambassadeur malien” venu avec un pot de beurre de karité parler de l’impact sur son pays de la directive “chocolat”.

“Dans l’ensemble, cela se passe de façon très correcte”, même si “certains consultants sont plus entreprenants que d’autres”. Voire carrément nuisibles, comme le Dr Rath, un fabricant de compléments alimentaires qui avait non seulement pollué les boîtes électroniques des eurodéputés – une pratique somme toute courante –, mais aussi acheté des pages de journaux et loué un camion pour y mettre les noms d’eurodéputés “traîtres” à sa cause. Quand cela se passe normalement, “on écoute les arguments des uns et des autres et on se fait sa religion”. Mais, concède Frédérique Ries, “certains n’écoutent que le son de cloche qu’ils veulent entendre…” Au risque de devenir “l’homme ou la femme de…” dans le processus décisionnel européen. C’est le cas du démocrate-chrétien allemand Hartmut Nassauer, par exemple, qui “a largement accepté nos propositions et les a présentées au débat en tant qu’alternative crédible” dans le cadre de l’adoption de la législation Reach, indique l’Industrie chimique allemande.

Il faut savoir que de nombreux amendements et résolutions sont rédigés par les lobbies eux-mêmes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent. C’est par exemple la Campagne internationale pour le Tibet qui a préparé celle, adoptée le 15 février en session plénière à Strasbourg, demandant à la Commission de “soulever la question du Tibet et la reprise des pourparlers entre les deux parties” dans ses négociations avec la Chine. Ou le Transatlantic Policy Network qui a inspiré celle du démocrate-chrétien allemand Elmar Brok sur le partenariat avec les Etats-Unis. Pour qu’un lobby se révèle efficace, il doit toucher le bon interlocuteur au bon moment avec le bon argument.

A la veille du dernier sommet européen, consacré à l’énergie, Greenpeace-Belgique a ainsi eu accès à Guy Verhofstadt himself. “Parfois, rencontrer une personne-clef, qui connaît le dossier en profondeur et peut réagir à ce que vous dites, est tout aussi bien” mais, “sur un sujet aussi important, il est clair que le Premier ministre voulait se profiler”, explique le Dr Fawaz Al Bitar, responsable de la campagne “Climat et Energie” de l’organisation. Aussi est-il “important d’arriver de façon crédible et ne jamais donner l’impression d’être un doux rêveur”. L’industrie automobile allemande n’a pas fait autre chose, en activant ses leviers pour sensibiliser la chancelière Angela Merkel et le commissaire Günter Verheugen sur les émissions de CO2 des voitures. Petits et grands de ce monde évoluent dans un environnement où les contacts, favorisés par des transferts, se révèlent primordiaux. C’est ainsi qu’on voit d’anciens politiciens ou cadres des institutions décrocher un poste au sein d’un lobby, et vice versa. Gerhard Schröder est passé de la chancellerie allemande au consortium Nordstream, qui essaie de convaincre du bien-fondé de la construction d’un pipeline germano-russe sous la Baltique. Jean-Paul Mingasson, qui a été directeur général à la Commission, est devenu conseiller de BusinessEurope, tandis que l’ex-commissaire Leon Brittan a été engagé comme consultant dans le cabinet spécialisé en droit du commerce international Herbert Smith. En sens inverse, Uta Jensen-Korte est passée d’un poste de lobbyiste au Conseil européen de l’industrie chimique à l’unité Reach de la Commission.

Une tentative de transparence

Informer et influencer, voire infiltrer, c’est le grand sport de près de 15.000 personnes qui travaillent directement ou indirectement pour des intérêts industriels du monde entier (70 pc), représentent des pays, des régions, des villes, des institutions internationales (20 pc), ou militent pour des associations sociales, environnementales, humanitaires (10 pc).

Difficile parfois de savoir à qui on a affaire. C’est pourquoi le vice-président de la Commission Siim Kallas a proposé mercredi que les groupes de pression indiquent dans un registre ce qu’ils font et qui les finance. Un système volontaire assez éloigné de ce qui se fait aux Etats-Unis, où les lobbies sont tenus de fournir la liste de leurs objectifs, de leurs clients et de leurs revenus. Une transparence d’autant plus nécessaire que des dérives existent. Certains lobbies “ne frappent pas toujours à visage découvert”, rapporte la socialiste belge Véronique De Keyser, pointant les groupes ultrareligieux qui “développent une stratégie d’entrisme au sein des institutions”, notamment en fournissant des assistants à des eurodéputés. “Et ça, c’est très dangereux.”

SOURCE: La Libre Belgique, 23 mars 2007.