lundi 2 juillet 2007

Des députés veulent encadrer le lobbying

Deux élus UMP ont proposé la création d'un groupe d'études pour rendre plus transparentes les pratiques des groupes de pression sans les supprimer.
Par Laure EQUY
Libération - lundi 2 juillet 2007
En finir avec le copinage entre élus et lobbyistes dans les coulisses du Palais-Bourbon. Arlette Grosskost et Patrick Beaudoin, députés (UMP) respectivement du Haut-Rhin et du Val-de-Marne, ont demandé jeudi au président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, de constituer un groupe d'études chargé de plancher sur l'encadrement du lobbying. Objectif : déposer d'ici à début 2008 une proposition de résolution modifiant le règlement de l'Assemblée. Le tandem avait déjà soumis en octobre 2006 une proposition de texte pour établir des règles de transparence sur ces pratiques et former un groupe de travail baptisé «Lobbying et démocratie».
Voyage. «Nous ne condamnons pas tout en bloc, précise Patrick Beaudoin. Nous sommes même favorables à l'expression du lobbying, comme source d'information, à condition qu'il soit transparent.» Car les méthodes employées par les entreprises, syndicats et ONG pour draguer le parlementaire sont multiples, du simple mail au véritable numéro de charme avec déjeuner ou voyage tous frais payés. La réglementation étant extrêmement floue, des groupes d'intérêt franchissent la ligne jaune. A l'instar des amendements clés en main, rédigés par leurs représentants, et les allées et venues de ceux-ci dans les couloirs de l'Assemblée avec des badges de collaborateurs de députés. Selon un questionnaire réalisé par Grosskost et Beaudoin auprès de 85 parlementaires et publié début juin, 72 % ont fait l'objet de démarches «fréquentes ou constantes», entre autres sous la forme d'invitations (77 %) et de propositions de loi ou d'amendement (81 %).
Outre un code de conduite pour les lobbyistes, le tandem suggère de contrôler leur accès à l'Assemblée par un badge nominatif, leur inscription sur un registre consultable sur Internet et la publication des argumentaires qu'ils fournissent. «Il faut que l'on sache clairement qui fait quoi», souligne Patrick Beaudoin. Autre piste : assurer le pluralisme des groupes d'intérêt en donnant à tous «la possibilité de se faire entendre sans [...] accorder de passe-droits».
Jean-Paul Charié, qui doit publier en octobre un «livre bleu du lobbying», se dit aussi favorable à un contrôle des pratiques pour, estime-t-il, «les développer au lieu de les suspecter». Le député (UMP) du Loiret va plus loin : «Les élus ne connaissent pas tout et doivent se renseigner auprès de la société civile. Prendre des avis ne veut pas dire se laisser influencer.» Il souhaite la mise à disposition d'une salle du Palais-Bourbon réservée aux lobbys concernés par les projets de texte en cours.
Charte éthique. Une initiative à laquelle s'oppose Séverine Tessier, assistante parlementaire du député (PS) de la Nièvre Christian Paul et présidente d'Anticor, une association de lutte contre la corruption : «Sous couvert de transparence, ces propositions visent à institutionnaliser le lobbying. Il faut établir une frontière entre public et privé et limiter l'accès des lobbyistes aux seules auditions» prévues dans le cadre de la procédure législative. Anticor devrait rédiger une charte éthique pour les élus (obligation de refuser les cadeaux, de déclarer toute tentative de pression, etc.). «Ce n'est pas tant aux lobbyistes d'adopter des règles de conduite, juge Séverine Tessier , qu'aux élus de résister.» A condition qu'ils le veuillent.

SOURCE: Libération, 2 juillet 2007.